Les limites de la retouche photo: le cas de la luminosité

A force de fréquenter les forum photo, je croise des demandes étonnantes en retouche photo. Dans l’esprit de certain, la retouche est sans limite: il suffit d’ouvrir un logiciel pour récupérer tous les défauts de la prise de vue. Et non, la vie c’est pas comme dans les séries US : impossible de faire un portrait en A4 d’un suspect à partir d’une photo prise par une nuit de brouillard avec une webcam !

Cet article n’a pas pour but de vous déconseiller la retouche photo (loin de la!) mais d’en comprendre les implications. Il est important de savoir qu’il y a des limites et de les prendre en compte lors de la prise de vue.

Les capacités techniques

D’un point de vue artistique, il n’y a pas vraiment de limite. Si vous voulez ajouter un troisième oeil sur un portrait, rien ne vous en empêche  D’un point de vue purement créatif, on peut considérer que la retouche photo est illimitée mais ça, ce n’est pas le propos de cet article…

La où il faut s’attarder, c’est sur les limites purement techniques. Certains paramètres ne peuvent être poussés à l’extrême sans impacter sur la qualité de l’image. En vrac, on peut citer la luminosité, la netteté, le bruit… mais c’est en fait toutes les caractéristiques de l’image qui sont touchées.

Prenons le cas de la luminosité car c’est peut être le plus important dans une photo. En retouche, il est très simple de corriger la luminosité: il n’existe pas un logiciel de traitement d’image qui n’offre pas cette fonctionnalité. Cependant, il faut faire très attention à l’intensité de la correction: un éclaircissement trop poussé dégrade rapidement l’image.

Correction poussée de la luminosité sur la partie droite de l’image

Si la partie corrigée de l’image (moitié droite) apparaît bien plus lumineuse, en regardant de plus près, on voit que la qualité d’image en a pris un coup. En augmentant la luminosité, on augmente artificiellement la quantité d’information de l’image et cela amplifie le bruit (et les artéfacts du à la compression dans le cas du JPG).

Détails de la zone corrigée

Il n’y a pas vraiment de solution pour aller au delà de ces limites mais il est possible d’optimiser la prise de vue pour les repousser le plus possible.

Le RAW

En préférant le format RAW au JPG, on enregistre plus d’informations dans le fichier ce qui offre des possibilités de retouches plus larges. Plus de tons sont enregistrés donc la retouche de la luminosité est plus fine en RAW (et il est possible d’aller beaucoup plus loin dans l’intensité de la correction qu’en JPG).

Mais en aucun cas le RAW ne surprime les limites, il les décale seulement. Les retouches possibles sont juste un peu plus grandes.

La maîtrise des outils

Une très bonne connaissances des outils informatique permet aussi d’aller plus loin dans les retouches et d’encore repousser les limites. Par exemple, quand vous manipulez un filtre avec plusieurs curseurs, il est bon de comprendre quel est l’influence de chaque paramètre sur le résultat final. Pour aller encore plus loin, il peut être utile de savoir comment le filtre fonctionne plutôt que seulement voir le résultat. Par exemple, en allant faire un tour sur la documentation officielle de Gimp (http://docs.gimp.org/fr/) vous trouverez plein d’infos utiles dans ce sens.

La doc de Gimp est une mine d’infos

Pour la luminosité, il est possible d’agir localement pour éclaircir que les parties de l’image qui en ont besoin. C’est possible en utilisant les masques ou les outils de correction local. Ça évite d’avoir à traiter trop lourdement toute la surface de l’image et protéger certaines zones. (voir le tuto corriger une sous exposition locale par exemple).

Préférer le bon réglage lors de la prise de vue

Le meilleur remède à une retouche fastidieuse est bien sur de soigner la prise de vue. Ça peut paraître évident dit comme ça mais dans la pratique, ce n’est pas toujours si simple.

En restant sur le cas de la luminosité, prenons un exemple classique:

Je veux faire une photo d’une scène où la luminosité est faible. L’ouverture est au max et je ne peux plus augmenter le temps de pose sans risquer le flou de mouvement. Deux solutions s’offrent à moi:

  1. Augmenter la sensibilité
  2. Prendre une photo sous-exposée et l’éclaircir en post-prod

Quelle est la meilleur solution ? Et bien la réponse n’est pas si simple:

  1. Vous le savez, l’augmentation de la sensibilité s’accompagne d’une augmentation du bruit. Sur certains appareils, le bruit peut être catastrophique pour l’exploitation de l’image. La première solution évidente au premier abord n’est peut être pas la meilleure pour la qualité de l’image.
  2. D’un autre coté, éclaircir en post prod n’est pas non plus idéal car comme vu plus haut, la retouche de luminosité est rapidement limité. La deuxième solution n’est donc pas top non plus.
Les deux alternatives impliquent alors un risque de dégradation de la qualité de l’image.

L’idéal se trouve peut être dans un compromis entre les deux: augmenter la sensibilité (en veillant à ce que le bruit reste acceptable) et corriger la luminosité éventuellement en post-prod. Enfin, pour réduire l’impact de la sensibilité sur le bruit, il est possible d’appliquer un léger filtre anti bruit (en gardant à l’esprit que l’anti-bruit a lui aussi ses limites (oui c’est sans fin (comme ces parenthèses !))). Tout ceci est à modérer selon la situation, l’appareil utilisé, le logiciel de retouche… autant dire que ce n’est pas simple !

Bilan

La chose la plus importante à retenir est qu’une image se pense dans sa globalité (de l’arrangement de la scène jusqu’au post-traitement éventuel). Dans cette démarche  il est important de prendre en compte les limites des outils de retouches. L’idéal est de savoir à quoi ressemblera l’image dès le moment où vous appuyez sur le déclencheur. Ce n’est pas évident (surtout quand on débute) mais ça impose une réflexion sur l’image qui est très importante pour progresser.

Encore une fois, il s’agit bien de limite technique, pas artistique. Lorsque je parle de « dégradation » de l’image, c’est dans une problématique technique: ça ne remet pas en cause les qualités artistiques de l’image. Dégrader une image peut tout à fait rentrer dans un processus créatif particulier. Le rendu sépia, le vignetage ou le traitement croisé sont autant d’exemples de dégradations volontaires qui ont une portée esthétique.