Comprendre le principe de l’exposition

Dans cet article, nous revenons aux sources de la photo. Nous allons nous intéresser aux trois paramètres qui définissent l’exposition, c’est à dire les trois choses vraiment importantes en photo. Si vous ne deviez savoir qu’une chose sur la photo, c’est l’exposition. Rien que ça!

Trois paramètres pour l’exposition

L’exposition est contrôlée par trois paramètres :

  • Le temps de pose ou durée d’exposition. C’est la durée pendant laquelle la lumière vient s’imprimer sur le capteur de l’appareil. Physiquement, le temps de pose est contrôlé par l’obturateur : quand il est ouvert la lumière entre, quand il est fermé la lumière est bloquée. Pour simplifier, l’obturateur est l’interrupteur à lumière de l’appareil.
  • L’ouverture. Le terme ouverture fait référence au diamètre d’ouverture du diaphragme. C’est un dispositif mécanique permettant de faire rentrer plus ou moins de lumière dans l’appareil (en s’ouvrant plus ou moins). C’est une sorte de vanne dont on peut contrôler le débit.
  • La sensibilité. C’est la capacité du capteur à enregistrer plus ou moins la lumière. Comprenez qu’avec une sensibilité élevée, l’appareil captera plus vite la lumière.

triangle exposition

On représente souvent les trois paramètres dans un triangle: le triangle de l’exposition. C’est une façon de montrer que les trois sont intimement liés: on ne peut aborder la photo en en laissant un de coté. Et c’est ce que je vais essayer de vous montrer dans la suite.

L’exposition dans un verre d’eau

Il existe une vue d’esprit bien connue des formateurs photo pour expliquer simplement les relations entre les paramètres de l’exposition et leurs influences : l’analogie du verre d’eau. En effet, il est facile de représenter l’exposition par un verre d’eau qui se remplit et ça peut simplifier la façon dont on appréhende ce concept.

La façon dont un verre d’eau se remplit dépend de trois paramètres :

  • durée de remplissage
  • débit du robinet
  • taille du verre

Il est assez simple de faire le parallèle avec l’exposition :

  • durée de remplissage = temps de pose
  • débit du robinet = ouverture
  • taille du verre = sensibilité

Vous pouvez choisir de remplir très lentement le verre avec un tout petit débit ou très rapidement avec un robinet grand ouvert. Vous pouvez aussi choisir un tout petit verre qui dans des conditions identiques se remplira plus vite qu’un grand. Vous retrouvez ici ce qu’il est possible de faire en jouant avec les paramètres de l’exposition. Si ça ne vous aide pas pour la photo, je vous aurai au moins appris que vous pouvez remplir un verre de plusieurs façons !

L’influence sur la luminosité

Revenons à la photo ! Si vous avez bien compris le sens des trois paramètres alors l’influence de chacun sur la luminosité est facile à déduire. La luminosité d’une photo est d’autant plus grande que :

  • le temps de pose est long
  • l’ouverture est grande
  • la sensibilité est élevée

Inversement, la luminosité est d’autant plus faible que :

  • le temps de pose est court
  • l’ouverture est petite
  • la sensibilité est basse

La logique de chaque réglage est simple à comprendre. Le problème c’est qu’ils sont trois! Toute la complexité tient dans le fait que vous pouvez les faire varier (quasiment) comme vous le voulez. Vous pouvez alors obtenir une multitude de résultats différents dans une même situation.

temps pose balle

Conditions identiques mais réglages differents

Relations entre les paramètres

Les trois paramètres sont liés et ont un impact sur la luminosité (pas tout à fait de la même façon mais ça nous le verrons plus loin). Il est donc possible de compenser l’effet d’un paramètre par un autre. Reste à savoir comment… Nous allons devoir faire un peu de maths mais vous allez voir, ce n’est pas bien méchant !

Si vous n’êtes pas à l’aise avec les maths (ou mes explications), vous pouvez vous rendre au paragraphe « Résumé » plus bas.

Temps de pose

Le temps de pose est… un temps. On le mesure donc avec une unité de temps. Le plus souvent des fractions de secondes et parfois des minutes ou des heures pour les temps de pose très longs.

Pour avoir un ordre de grandeur : 1/2000 s (un deux millième de seconde) est un temps de pose très court, 1/100s (un centième de seconde) un temps de pose moyen et au delà d’une seconde il s’agit de temps de pose long. Ce ne sont là des valeurs indicatives, un temps de pose est considéré comme long selon la situation et le matériel.

L’impact du temps de pose sur la luminosité est très simple car il est linéaire : quand vous multipliez le temps de pose par deux, vous multipliez la luminosité par deux également. Par exemple vous multipliez la luminosité par deux quand vous passez de 1/120 s à 1/60 s.

Sensibilité

En argentique la sensibilité dépend de la pellicule. Elle correspond à la capacité du film à capter vite ou non la lumière. En numérique, c’est plus souple car il est possible de régler la sensibilité du capteur pour chaque prise de vue.

pellicule photo 400ISO

Pour changer de sensibilité, il faut changer de pellicule !

Pour quantifier la sensibilité, on parle de valeur en ISO (ou ASA pour les plus anciens…). Pour avoir un ordre de grandeur : 100ISO est une valeur basse et 800ISO est une valeur haute… mais la plage de réglage dépend énormément de l’appareil et de la qualité de son capteur. Les appareils récent peuvent monter très haut en sensibilité sans trop altérer la qualité d’image.

L’impact sur la luminosité est le même que pour le temps de pose : quand vous multipliez la sensibilité par deux, vous multipliez par deux la luminosité. Par exemple, vous multipliez la luminosité par deux quand vous passez de 400 à 800ISO.

Ouverture

La valeur de l’ouverture correspond au diamètre du diaphragme mais ce n’est pas aussi simple… Concrètement, la valeur « physique » de l’ouverture du diaphragme ne nous intéresse pas. Peu importe au photographe de savoir que le diaphragme à un diamètre de 5, 10 ou 20mm… L’information utile c’est de savoir quelle est la quantité de lumière qui entre dans l’appareil. Cette quantité de lumière dépend de l’ouverture mais aussi de la focale. On exprime donc l’ouverture comme une fraction de la focale de l’objectif (notée f). Par exemple f/2,8 ou f/3,5.

Plus le chiffre de l’ouverture est grand et plus l’ouverture physique est petite. Par exemple f/1,4 est une plus grande ouverture physique que f/5,6.

representation ouverture

Plus la valeur est grande et plus l’ouverture physique est petite

Ça peut paraître compliqué mais c’est en fait une simplification : avec ce mode de calcul la focale n’impacte pas la quantité de lumière. Si vous réglez votre appareil avec une ouverture f/3,5 la quantité de lumière qui entrera dans l’appareil sera la même à toutes les focales. Vous pouvez zoomer (ou dé-zoomer) comme bon vous semble sans avoir à revoir le réglage de l’ouverture.

La où ça se complique (vraiment) c’est pour voir le lien entre ouverture et luminosité. Quand vous multipliez l’ouverture par 2 (par exemple quand vous passez de f/7 à f/3,5) la luminosité est multipliée par 2² : la luminosité évolue selon le carré de l’ouverture. Ainsi pour multiplier la luminosité par 2, il faut multiplier l’ouverture par 1,41 (1,41 = racine carrée de 2).

Note Cette relation s’explique là encore par un petit passage par les maths. L’ouverture correspond au diamètre de l’ouverture physique du diaphragme. Or la quantité de lumière ne dépend pas directement du diamètre de l’ouverture du diaphragme mais de la surface de l’ouverture. Quand vous multipliez le rayon d’un disque par deux, sa surface est multipliée par 2².

Résumé

Pour résumé, les trois paramètres de l’exposition ont un impact sur la luminosité :

  • Temps de pose x2 → Luminosité x2
  • Sensibilité x 2 → Luminosité x2
  • Ouverture x1,41 → Luminosité x2 (ou Ouverture x2 → Luminosité x4)

Les valeurs normalisées

Un photographe n’a pas besoin d’être mathématicien ! Pour faciliter les calculs d’ouverture et de temps de pose, il existe des valeurs normalisées. Il s’agit de valeurs arrondies qui simplifient les calculs.

Pour le temps de pose les valeurs normalisées sont construites comme une suite géométrique de raison ½ et de première valeur 1 (C’est à dire que chaque terme est égal au précédent multiplié par ½). Pour simplifier le tout, les valeurs sont arrondies:

Valeurs temps pose

Pour l’ouverture, c’est le même principe sauf qu’ici la raison de la suite est 1/Racine 2:

Valeurs ouverture normalise

Ce choix de construction en suite n’est pas anodin: quand vous passez d’une valeur à sa voisine, vous multipliez ou divisez la luminosité par deux. Ça simplifie énormément les calculs.

Tous les appareils proposent ces valeurs dans leurs réglages, mais la plupart offrent des valeurs en plus. Vous trouverez probablement sur votre appareil des valeurs intermédiaires pour un réglage plus fin. Par exemple l’ouverture f/3,5 est très commune (souvent l’ouverture de l’objectif vendu en kit avec votre boitier) et pourtant elle ne fait pas partie des valeurs normalisées.

Application

Ça paraît compliqué vu comme ça mais c’est beaucoup plus simple que ça en a l’air. Prenons l’exemple d’une photo correctement exposée avec les paramètres suivants (config 1) :

  • Temps de pose 1/60s
  • Ouverture f/5.6
  • Sensibilité 400ISO

Admettons que vous voulez réduire le temps de pose: vous le passez de 1/60s à 1/250s. Cela fait un temps de pose environ 4 fois plus court. D’après la relation précédente, diviser le temps de pose par 4 implique une division de la luminosité par 4. Il faut donc compenser cette perte avec les deux autres paramètres (ouverture et sensibilité). Vous avez alors trois choix : jouer sur l’ouverture (config 2), la sensibilité (config 3) ou les deux (config 4).

1. La configuration initiale

  • Temps de pose 1/60s
  • Ouverture f/5.6
  • Sensibilité 400 ISO

2. La luminosité varie selon le carré de l’ouverture donc pour avoir une luminosité 4 fois plus grande, il faut multiplier l’ouverture par 2 :

  • Temps de pose 1/250 s (divisé par 4)
  • Ouverture f/2.8 (multiplié par 2)
  • Sensibilité 400 ISO (identique)

3. Pour multiplier la luminosité par 4, il faut multiplier la sensibilité par 4 :

  • Temps de pose 1/250s (divisé par 4)
  • Ouverture f/5.6 (identique)
  • Sensibilité 1600 ISO (multiplié par 4)

4.Pour jouer avec les deux nous allons multiplier la sensibilité par 2 (= luminosité x2) et multiplier l’ouverture par 1,41 (= luminosité x2) :

  • Temps de pose 1/250 s (divisé par 4)
  • Ouverture f/4 (multiplié par 1,41)
  • Sensibilité 800 ISO (multiplié par 2)

Les multiplications sont volontairement approximatives afin de retomber sur des valeurs normalisées. Ainsi 5,6/1,41 = 3,9 mais on l’approxime à 4 car f/4 est une valeur normalisée.

Le schéma représente les différentes configurations avec les valeurs normalisées.

configuration exposition

La configuration 1 est la référence. Diviser le temps de pose par 4 ça revient sur le schéma à « descendre » le temps de pose de deux cases. Pour compenser, vous pouvez donc :

  • monter de deux cases avec l’ouverture (config 2)
  • monter de deux cases avec la sensibilité (config 3)
  • monter d’une case avec l’ouverture et d’une case avec la sensibilité (config 4)

Il ne s’agit que de quelques propositions parmi l’infinité de combinaisons possibles. Nous aurions pu multiplier la sensibilité par 10 et compenser avec l’ouverture par exemple.

En pratique, vous n’aurez pas a faire tous ces réglages manuellement, les modes de réglages de l’exposition seront là pour vous aider.

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Réglage de l’exposition : mode manuel et auto

Avec les exemples précédents, il est très important de comprendre que même si les trois configurations sont équivalentes en terme de luminosité, les photos ne seront pas identiques.

L’influence sur l’image

Depuis le début de l’article, je vous parle de multiplication et division. Mais la photo ce n’est pas que des maths ! Chaque paramètre de l’exposition à son influence sur l’image au delà de la luminosité. Intéressons nous maintenant aux possibilités créatives que nous offrent ces réglages.

L’ouverture

L’ouverture du diaphragme fait varier la profondeur de champ, c’est à dire la zone de la scène où les sujets sont nets :

  • Plus l’ouverture est grande et plus la profondeur de champ est faible
  • Plus l’ouverture est petite et plus la profondeur de champ est grande

Concrètement pour avoir deux sujets nets alors qu’ils sont dans des plans différents, il faut privilégier une ouverture faible. Ainsi la profondeur de champs est maximisée. Inversement pour avoir des sujet bien détachés les uns des autres, préférez une grande ouverture qui donnera une faible profondeur de champs.

Sur la mise en scène ci-dessous, les trois balles sont dans des plans différents. Avec la petite ouverture (f/16) la profondeur de champ est suffisamment grande pour laisser bien visibles les balles du fond. Dans le deuxième cas (ouverture f/1.4) elles sont complètement floues car complètement en dehors de la zone de netteté: le profondeur de champ est trop courte.

balle ouverture f/16

Avec une ouverture de f/16 (faible ouverture)

balle ouverture f/1.4

Avec une ouverture de f/1.4 (grande ouverture)

Choisissez donc une faible profondeur de champs pour isoler un sujet (en portrait serré par exemple). Ça permet d’obtenir un arrière plan flou et d’attirer le regard vers le sujet. Une grande profondeur de champs est utile pour avoir plusieurs sujets nets dans différents plans (photo de groupe par exemple). De cette façon, aucun sujet n’est mis en valeur par rapport à l’autre.

L’ouverture a également une influence sur certains aspects techniques. Un objectif n’offre pas une qualité d’image constante à toutes les ouvertures :

  • Une trop faible ouverture peut entraîner un phénomène de diffraction qui génère des traînées lumineuses involontaires.
  • Une trop grande ouverture peut générer des aberrations dues aux imperfections des lentilles qui se manifestent par des artefacts lumineux, du vignetage ou une perte de piqué.

Plus l’objectif monte en gamme, moins ces phénomènes sont visibles. Quoi qu’il en soit, il est préférable d’utiliser les ouvertures moyennes d’un objectif pour éviter de tomber sur ces défauts.

Temps de pose

Le temps de pose est principalement associé à la retranscription du mouvement. Le rendu des objets en mouvements est lié au temps de pose :

  • Un temps de pose court fixe le mouvement
  • Un temps de pose long laisse apparaître des traînées et du flou autour des objets en mouvements

Pour bien comprendre ce phénomène, il faut s’intéresser au sens premier du temps de pose. Physiquement il correspond au délai entre l’ouverture et la fermeture de l’obturateur. C’est à dire le temps pendant lequel la lumière vient frapper le capteur. Si un sujet bouge pendant le temps de pose, son image sur le capteur va s’imprimer à plusieurs endroit : il apparaîtra donc flou.

temps pose balle

Le temps de pose trop grand à gauche rend la balle floue

Pour réduire le flou de bougé, il faut donc réduire le temps de pose. Si vous comprenez bien le principe, vous pouvez même jouer avec le flou pour donner une impression de vitesse. Avec le bon réglage et un objet en mouvement, vous obtenez un filé dans la direction du mouvement.

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Le filé: la vitesse en photo

Sensibilité

La sensibilité est un paramètre intéressant car elle ajoute de la flexibilité aux deux autres paramètres de l’exposition. Contrairement aux deux autres paramètres, la faire varier n’a pas d’impact direct sur la composition ou le rendu des sujets. Vous pouvez donc fixer l’ouverture (choix de la profondeur de champ) et le temps de pose (choix du mouvement) et adapter la luminosité avec la sensibilité.

Augmenter les ISO permet alors au choix:

  • de réduire le temps de pose pour limiter le flou de bougé
  • de réduire l’ouverture pour avoir une plus grande profondeur de champs

A l’inverse, réduire les ISO permet au choix:

  • d’augmenter le temps de pose pour avoir un effet de filé
  • d’augmenter l’ouverture pour réduire la profondeur de champs

Malgré tout, le choix de la sensibilité n’est pas sans conséquence. En effet la sensibilité a un impact direct sur la qualité de l’image : plus la sensibilité augmente et plus le bruit augmente.

detail bruit balle bleu

Le bruit apparaît en observant des détails

Contre le bruit, il n’y a pas grand chose à faire. Il existe bien des post traitement pour l’atténuer mais dans l’ensemble il faut juste apprendre à vivre avec… et  de minimiser autant que faire se peut la sensibilité pour réduire le risque de bruit.

Dans bien des cas, avoir du bruit sur une photo n’est pas gênant. Il faut mieux augmenter la sensibilité et avoir du bruit plutôt qu’avoir une photo avec un flou de mouvement trop important : une image bruitée est exploitable mais pas forcément une photo floue.

Conclusion

Toutes les valeurs et démonstrations mathématiques de cet article ne sont pas à connaître par cœur! Vous apprendrez très vite à utiliser les paramètres de l’exposition en les manipulant. Parfois il vous faudra bidouiller et faire des essais mais avec le temps vous serez capable de vraiment comprendre comment tout ça fonctionne.

Malheureusement pour vous si vous débutez, sachez que tout ce qui est inclus dans cet article est nécessaire mais pas suffisant… C’est un peu comme apprendre à écrire : vous savez construire des mots et des phrases mais ça ne fait pas de vous un écrivain de talent. A vous maintenant de sortir votre appareil et de mettre tout ça en application. C’est une base, reste à pratiquer pour en faire quelque chose de bien !